Comme pour le précédent épisode, les scènes décrites ici ont toutes été vues ou entendues, il y a certes pas mal d’années, par divers villageois du canton.
L’histoire qui vient me fut racontée il y a déjà un certain temps. Elle est maintenant très connue et reprise même dans des journaux ou revues, sous une autre forme : au lieu des truites qui nous intéressent ici, il peut s’agir de tranches de foie gras ou de cuisses de poulet ou de fruits ….
Dans une auberge Marco et Toni s’attaquent au plat de poisson prévu. Arrivent ainsi sous leurs yeux deux truites de tailles différentes : pour simplifier, une grande et une petite.
Marco tend le plat à Toni : Sèrv-te ! (sers-toi !)
Toni glisse la grande truite dans sa propre assiette.
Marco : Totun ! Qu’es drin endavanthèit ! Que t’as pres la mei grana ! (Quand-même ! T’es un peu culotté ! Tu t’es servi la plus grande !)
Toni : Mes, quau averés pres si t’èras servit en prumèr ? (Mais, laquelle aurais-tu pris si tu t’étais servi le premier ?)
Marco : Plan segur, qu’averi pres la mei china. (J’aurais pris la plus petite bien sûr).
Toni : E lavetz, que l’as ! Qu’as a arronhar ? (Eh bien, tu l’as ! Qu’est ce que tu as à grogner ?)
Manuel, un célèbre braconnier de l’ancienne époque, survivait aussi grâce à quelques larcins dans les fermes. Un épais manteau de neige recouvrait la campagne béarnaise un jour où il se sentait traqué par la maréchaussée. Manuel, fatigué de courir pour échapper à ses poursuivants, désirait se reposer quelques heures dans une grange isolée inoccupée.
Il eut l’idée de pénétrer dans ladite grange en y arrivant … à reculons.
Si bien que le sens des traces de ses bottes dans la neige fit croire aux gendarmes que Manuel venait de quitter l’habitat depuis peu et ils s’éloignèrent du lieu. Notre héros put ainsi récupérer des forces à loisir dans le foin, pour quelque temps du moins.
Tohu-bohu dans le village car deux paysans, déjà quelque peu brouillés, Gustave et Romain, s’accrochent verbalement après que leurs charrettes pleines de foin se sont heurtées dans un étroit chemin, bloquant ainsi toute circulation. Aucun des deux ne veut effectuer la manœuvre de repli qui libèrerait le passage. Peu à peu les villageois attirés par l’esclandre entourent les deux protagonistes. Certains essaient de les raisonner ou au moins les calmer.
Annette s’approche de Gustave dans l’espoir de l’amadouer par quelques paroles de bon sens. Comme la situation n’évolue pas elle insiste.
Annette : Vam, Gustau, ne hès pas lo pèc ! Tira-t deu puisheu. (Allons, Gustave, ne fais pas l’imbécile ! Ecarte-toi de là)
Gustave : Tu, que’m poderàs parlar quan m’averàs tornat eth libe de geografia que m’avès panat a l’escòla, dab eths fluvis en blu e las vilas en roi. (Toi, tu seras autorisée à me parler quand tu m’auras rendu le livre de géographie que tu m’avais volé à l’école, avec les fleuves en bleu et les villes en rouge).
Cinquante ans après ressurgissait un vieux souvenir d’école.
De Dómé, un autre fameux braconnier, comme il en existait autrefois dans chaque village, on pourrait dresser un tableau abondant de ses faits (méfaits pour d’autres) et répliques fulgurantes.
Ainsi, pour échapper au garde-pêche, Dómé, qui, bien sûr, agissait sans permis et en dehors de la période autorisée, n’hésitait pas à disparaître dans l’eau profonde et marcher dans le fond du gave pour rejoindre l’autre rive et s’échapper. Le garde-pêche, au courant que Dómé ne savait pas nager, le crut-il ainsi plusieurs fois noyé … pour le retrouver, miracle, contrevenant quelques jours plus tard.
Le même Dómé, dégustait avec deux ou trois copains un poulet préparé par l’aubergiste, poulet bien entendu chapardé dans une ferme du village. Un des fils de cette ferme buvant un coup au bar dans la même pièce, Dómé eut le culot de l’inviter à partager avec eux leurs agapes, vantant de plus la qualité de leur repas.
L’hiver approchant, il arriva que Dómé se laisse volontairement prendre la main dans le sac afin de pouvoir séjourner et se réchauffer quelque temps en prison où on utilisait parfois ses talents de cuisinier.
Le médecin de famille s’inquiète auprès de son malade fumeur.
Le médecin : Vam, Firmin, qu’at voleri saber quant de cigarretas uei ? (Voyons, Firmin, j’aimerais savoir combien de cigarettes aujourd’hui ?)
Firmin : Per ma fé ! Ua sola cada còp ! (Ma foi ! Une seule à la fois !)
L’ami Victor se présente quelque peu éméché devant une passerelle en bois, tremblante (un peu comme lui d’ailleurs), surmontant un ruisseau plutôt tranquille.
Tà estar segur de poder traucar shens càder hens l’aiga, que’m vau har ua pregària entà lo bon diu. (Pour être sûr de traverser sans tomber dans l’eau, je vais faire une prière au bon dieu).
Ainsi fut fait.
Mais un doute l’assaille.
Mes, si lo diable qu’ei lo mèste d’aqueth pont …. Qu’u vau pregar tanben. (Mais si le diable est maître de ce pont …. Je vais le prier lui aussi).
Ainsi fut fait, une deuxième fois (foi ?).
La passerelle franchie sans encombres, Victor se retourne vers elle :
E adara, que’v emmerdi tots dus ! (Et maintenant, je vous em…..tous les deux !)