Cette troisième partie des …. réparties de campagne se situe dans la sphère rugbystique, sur le terrain comme autour du terrain. A l’exception d’une seule les anecdotes rapportées proviennent des terrains voisins d’Oloron. Les histoires (drôles, car je n’aborde pas les plus obscures, comme le possible blanchiment d’argent autour de la vente des billets) liées au milieu (sans jeu de mots) du rugby abondent et je ne me risque pas à en piocher dans les nombreux ouvrages sortis depuis le premier d’entre eux, la référence, « le grand combat du XV de France », de Denis Lalanne, édité en 1958.
Les piliers de rugby, aux premières loges de la mêlée dans les affrontements et les entrées en bélier, se reconnaissent en général par leur morphologie et leurs traits des plus marqués. L’un d’eux, qui avait baroudé à un haut niveau sur la plupart des terrains de l’hexagone, classait ses adversaires d’un match en deux catégories.
« Si le pilier que j’avais en face arborait un visage net, sans trop de reliefs, j’étais sûr que pas grand monde avant moi avait essayé de le toucher, mais que lui-même devait aimer distribuer du pain béni sous la mêlée. Si, au contraire, il présentait une face bosselée, déformée, je pouvais y aller car cela signifiait qu’ il ne devait pas savoir se rendre. »
Suite à un match de rugby bien arrosé (par la pluie), Victor et Manu entreprennent une troisième mi-temps, elle aussi bien arrosée (par la bière). Après un certain nombre d’échanges verres beaux, la même envie urinaire leur prend en même temps, malgré la pluie incessante extérieure. Quand Victor en a terminé, il se dirige vers Manu toujours en action.
Victor : Mes n’as pas engüèra finit de pishar ? (Mais tu n’en as pas fini de pisser ?)
Manu : Atén un moment, que védes plan que cola tostemps ! (Attends un peu, tu vois bien que ça coule encore !)
En fait, Manu se tenait tout près d’une gouttière qui effectivement continuait de verser le trop plein d’eau, ce que son ventre proéminent lui empêchait de voir.
Dans un précédent écrit je décrivais rapidement le rôle du 3ème ligne centre au rugby. L’anecdote qui suit concerne un 2ème ligne, aux attributions diverses dans le pack : saisir le ballon en touche, assurer une poussée vigoureuse derrière son pilier et …. freiner l’ardeur adverse en émettant des signaux malsains au sein de la mêlée, signaux dirigés du bas vers le haut. Poing à la ligne.
Lors d’un certain match, un 2ème ligne du FCO (Football Club Oloronais – hé oui c’est l’appellation du club de rugby d’Oloron, club omnisports) – Riton, officiait derrière son propre frère, Pascal, talonneur de la même formation. Comme les deux mêlées ne parvenaient pas à se stabiliser et que le talonneur d’en face osait disputer le ballon à son frère, Riton décida de faire un peu de ménage (l’expression elle-même montre qu’il ne s’agissait pas d’une sale besogne). Malheureusement, un soubresaut de la mêlée dérangea la direction du tir qui n’atteignit pas la cible visée mais plutôt la face de …. son propre frère.
En bord de touche les spectateurs les plus proches de l’action entendirent alors le pauvre Pascal se plaindre à son frère : » Allonge, putain ! «
Message facile à décoder, même par l’arbitre.
Riton, notre 2ème ligne du FCO, avait un autre frère, Jojo, habituellement 3ème ligne aile, donc dans le pack également. Ce jour-là Jojo occupait exceptionnellement le poste de trois-quart aile. À l’époque, la remise en jeu en touche était effectuée bien souvent par le trois-quart aile (ou parfois par le demi de mêlée, comme Pierre Danos à Béziers).
Quand vint le moment du premier lancer de balle pour le FCO, tout le monde attendait que Jojo intervienne puisque telle était sa nouvelle attribution. Mais point de Jojo qui, par réflexe, s’était placé dans l’alignement, comme pour les autres rencontres. Et Jojo se permit en plus de râler.
Jojo : Mes on ei passat aqueth con d’estrem ? (Mais il est passé où cet abruti d’ailier ?)
Riton : Cara’t. Uei qu’ei tu l’estrem ! (Tais-toi donc ! C’est toi qui joue à l’aile aujourd’hui !)
Lors d’une touche, les deux alignements se disposent perpendiculairement à la ligne de touche, laissant, normalement, un écart de un mètre entre ces deux lignes parallèles : car deux droites perpendiculaires à une même troisième sont parallèles entre elles – pardon, je m’égare.
Baptiste, un pilier au ventre accentué, se tenait de profil dans ledit alignement, car il savait qu’il devrait soutenir le preneur de balle de son équipe et il pensait gagner du temps en évitant d’effectuer un quart de tour de sa personne. De ce fait son ventre dépassait et ne respectait pas le mètre de séparation cité plus haut. Un spectateur ne put s’empêcher de le prévenir à voix haute :
« Rentre ton ventre, Baptiste, t’es hors-jeu« .
Une histoire moins personnelle mais réelle.
Il y a quelques décennies un pilier de rugby devait se borner à pousser en mêlée, déblayer les mêlées ouvertes et, rarement, caresser furtivement le ballon. A l’entraînement du Stadoceste Tarbais les avants se passaient pendant quelques instants le ballon, en s’efforçant de rester debout (quelle époque !) et en se retournant après contact. Quelques collisions plus tard l’entraîneur décidait de stopper le déroulé et criait « mazout« . Code signifiant que le porteur de balle devait poser le ballon à terre afin de permettre au demi de mêlée de s’en saisir et l’envoyer au large vers ses lignes arrières.
Un jour de match, Antonin, un pilier à l’ancienne dirais-je (avant que les Domenech, Paparemborde, Califano, Domingo …. ne modernisent le poste), se retrouva par inadvertance avec le ballon dans les mains. Comme les joueurs adverses se trouvaient quelque peu dispersés, suite aux précédentes charges, notre pilier Tarbais parcourut plusieurs mètres vers la ligne adverse et franchit même celle-ci sans s’en apercevoir. Son entraîneur, qui craignait qu’il ne s’arrête pas avant la ligne d’en but, eut l’idée de lui crier « mazout« , si bien que, réflexe de Pavlov, Antonin posa le ballon à terre, ce qui signifiait que l’arbitre lui accorda l’essai. Certainement le premier et le dernier essai de la carrière d’Antonin.